MADAME DE VITRÉ, CAROLINE.
CAROLINE.
Ah! chère madame, qu'allons-nous devenir? Ce billet entre les mains de mon mari... quelle affreuse pensée! Il me croira plus coupable que je ne suis... Il ne me pardonnera jamais, jamais !... Je suis perdue... je, suis perdue ! Et puis, ils vont se battre... tous deux... Ah ! mon Dieu!
MADAME DE VITRÉ.
Voyons, ma chère petite, cela est très-grave, sans doute... mais on revient de loin... Ne perdons pas la tête, voilà l'important. (Elle réfléchit)
CAROLINE.
Hélas ! il va me chasser de chez lui... Et puis ils se battront!
MADAME DE VITRE.
De grâce , mon enfant !... (A elle-même.) Voyons, je crois que le plus prudent serait d'aller au devant de l'orage.
CAROLINE.
Oh ! ne m'abandonnez pas, je vous en supplie.'
MADAME DE VITRÉ, impatiente.
Mais je ne vous abandonne pas, mon enfant... Mon Dieu, Seigneur, laissez-moi une minute de calme ! Ah ! vous aurez grande raison de marcher droit dans la vie, ma chère petite, allez ! car vous n'êtes guère faite pour les aventures de chemins de traverse.
CAROLINE.
Pardon ! mais vous ne pouvez savoir ce qui se passe dans ma pauvre tête !...
MADAME DE VITRÉ.
Et dans la mienne, donc ! Il y va peut-être de la vie de mon enfant! Mais précisément à cause de cela, j'ai besoin de toute ma raison, et je la retiens à deux mains... (A elle-même.) Si je savais seulement... (Prenant un parti tout à coup.) Je vais à la chancellerie.
CAROLINE.
A la chancellerie?
MADAME DE VITRÉ, prenant sa pelisse.
Oui... celui qui attaque a toujours un avantage, et de plus... (Elle s'interrompt au bruit d'une voiture.)
CAROLINE.
Il est trop tard... c'est lui ! (Elle chancelle.)
MADAME DE VITRÉ, qui s'est approchée de la fenêtre, se retournant froidement.
C'est lui, en effet.
CAROLINE.
Ah I je voudrais être morte !
MADAME DE VITRÉ, d'une voix brève.
Mon enfant, il faut vous retirer... Passez dans votre chambre... je vais le recevoir. Allez, ma fille... du courage!... (Elle la conduit jusqu'à la porte, et l'embrasse. - Caroline sort tout éperdue.)