VIII

Cette gloire était due aux mânes d'un tel homme
D'emporter avec eux la liberté de Rome
( Cinna.)

Nous devons nous excuser d'avoir placé dans le coin d'un tableau frivole une des figures les plus brillantes, et la plus pure peut-être, dont nos annales révolutionnaires aient gardé l'empreinte. - Lazare hoche, alors général en chef de l'armée des côtes de Brest, et qui devait bientôt réunir sous son commandement toutes les forces de la république en Bretagne et en Vendée, n'avait pas encore atteint vingt-sept ans. La fleur de la jeunesse s'épanouissait sur la maturité de son génie. Sa haute stature, la beauté singulière de ses traits, sa physionomie ouverte et martiale, la gravité modeste de son maintien, tout en lui était marqué du cachet de la force, de l'intelligence et de la droiture : il imposait le respect et attirait la confiance. Aucune gloire et aucune fortune ne paraissaient déplacées sur ce front que la nature avait fait pour commander et pour séduire. Comme l'ambassadeur romain, le jeune héros de la nouvelle république portait à la fois dans son regard toutes les menaces de la guerre et toutes les clémentes promesses de la paix. Seul, par les rares qualités d'un génie flexible et complet, il fut capable de reconquérir à la nationalité française ces provinces braves et malheureuses qu'en séparaient de sanglants abîmes ; seul peut-être, à ce débordement de passions anarchiques et d'ambitions gigantesques où périt notre première république, il eût opposé avec succès la personnalité puissante et désintéressée d'un Washington. On lui a fait du moins l'honneur d'une rivalité posthume avec celui qui mit trop de gloire à la place de trop de liberté.

Mais la Providence avait marqué d'étroites bornes à cette existence d'élite. L'illustre républicain écrivait à grands traits son nom dans l'histoire, comme si sa main eût été hâtée par un triste pressentiment. Sur ce fier visage et à travers ce sourire, on pouvait lire par instants ce caractère fatal de mélancolie qui prête encore, après des siècles, une grâce touchante au souvenir de Germanicus, et qui manquait à César.

C'est une des misères, sinon un des crimes du romancier, que de réduire aux proportions puériles de son cadre les géants de l'histoire. Il peut, à la vérité, invoquer pour excuse l'espèce d'intérêt particulier avec lequel on voit toujours ces demi-dieux descendre de leur piédestal sur le terrain commun de l'humanité; mais les gens chagrins n'en ont pas moins le droit de le comparer à un enfant qui prétendrait utiliser dans ses jeux les formidables machines de la guerre et de l'industrie. Quoi qu'il en soit, convaincu que les torts avoués sont à moitié pardonnés, nous reprenons avec une conscience plus légère le fil de notre récit.

Le général, délivré de la présence du conventionnel, demeura quelques minutes à la même place, la tête penchée et l'œil rêveur. Puis, faisant tout à coup le geste d'un homme qui s'abandonne résolument à toutes les conséquences d'une action irréparable et qui passe à un autre ordre d'idées, il se leva et s'approcha d'une fenêtre qui donnait sur la cour. Il ne parut pas y voir ce qu'il cherchait, et commença à travers la chambre une promenade impatiente qu'il interrompait souvent par de courtes stations près de la fenêtre ou vis-à-vis d'une pendule placée sur une console. Par intervalles, les pensées dont son esprit était agité s'échappaient comme involontairement de sa bouche distraite. - Quelle déception ! murmurait-il. Ce sont les hommes ! Rude leçon, et inattendue... Sa dupe... c'est le mot... Son jouet... si longtemps... si franchement! Et quels malheurs il va causer !... Que de sang! Insulte à moi... Crime public... Tout... Misérable !...

Le bruit d'une main qui heurtait légèrement à la porte interrompit le général. Après qu'il eut dit qu'on pouvait entrer, la porte s'ouvrit, et la personne distinguée et délicate du commandant Hervé de Pelven se présenta aux yeux de Hoche.

Le général s'avança lentement vers celui qu'une heure auparavant il appelait son ami, et se mit à le considérer avec une singulière curiosité, comme s'il cherchait à démêler dans ses traits bien connus quelque signe secret, quelque trace hideuse jusqu'alors inaperçue. Terminant tout à coup son examen par un mouvement d'épaules expressif, il s'assit à demi sur l'angle de la table où son sabre était posé, et, sans cesser d'étudier du regard le visage de Pelven :

- Où est Francis? dit-il.

Cette question ne put faire sortir Hervé du muet étonnement où l'avait plongé l'accueil inexplicable du général en chef.

- Je vous demande où est Francis, répéta celui-ci en élevant la voix : qu'en avez-vous fait ?

- Mon général, dit le jeune commandant, Francis est en bas dans la cour. Nous arrivons ensemble.

- Ah ?- Eh bien, dites-moi, monsieur de Pelven, vous avez réussi selon vos souhaits, n'est-ce pas ?

- Oui, général, répondit sèchement Hervé dont l'orgueil s'alarmait peu à peu de ces procédés et de ce langage, si différents de la familiarité cordiale à laquelle il était habitué.

- C'est fort heureux pour vous comme pour moi, monsieur.

- J'ai le regret de ne pas vous comprendre, général.

- Ah !... Eh dites-moi, la graine de chouans pousse-t-elle dans le pays ?

- Tout ce que j'ai vu, citoyen général, est menaçant et annonce une levée d'armes prochaine. Nous avons même cru entendre le canon hier et cette nuit.

- Vraiment! Vous avez fait là, en effet, une dangereuse campagne, et qui ne restera pas sans récompense, s'il y a encore quelque justice dans le monde. Mais il faut d'abord, je suppose, vous féliciter de votre merveilleux talent dans la spécialité que vous avez eu le bon goût de choisir, monsieur de Pelven : jamais masque d'infamie ne ressembla si bien, je l'avoue, à un visage d'honnête homme.

Une vive rougeur colora subitement les joues et le front du jeune commandant.

- Je n'en suis pas à m'apercevoir, dit-il, que je me trouve ici sur un banc d'accusé : on me l'avait prédit; mais je croyais pouvoir attendre du général Hoche que l'explication précéderait l'outrage.

Bien que l'hypocrisie qui se sent dévoilée trouve quelquefois dans l'inspiration du péril des attitudes et des accents d'une déplorable vérité, la contenance de Hervé, la fermeté de sa voix ébranlèrent la conviction du général; mais, avant qu'il eût pu lui répondre, son attention fut attirée dans la cour par un bruit de chevaux, suivi d'un tumulte de voix. Peu d'instants après, le lieutenant Francis entrait dans la chambre d'un air effaré, tenant à la main un paquet de lettres.

- Pardon, mon général, dit-il, ce sont des dépêches qu'apportent deux dragons des divisions Humbert et Duhesme. Il paraît que le four chauffe par là-bas.

Le général, qui avait touché amicalement l'épaule du petit lieutenant, ouvrit les dépêches avec vivacité et en commença une lecture rapide, qu'il interrompit fréquemment par des exclamations réitérées ; puis, jetant tout à coup avec violence les lettres sur le parquet, et s'adressant à Francis d'un ton qui indiquait une fureur difficilement maîtrisée : - Vous allez faire en une minute, mon enfant, lui dit-il, un grand pas dans l'expérience de la vie. Voici M. de Pelven, notre ami commun : regardez-le biens et souvenez-vous le reste de vos jours que, sous cette physionomie loyale entre toutes, se cachait l'âme d'un espion et d'un traître.

- On vous a menti, général, dit froidement Hervé, tandis qu'un cri de surprise et d'incrédulité sortait des lèvres du jeune lieutenant.

- Tant que la lumière ne m'a pas crevé les yeux, j'ai douté, reprit Hoche ; mais il y a véritablement une négligence impardonnable, monsieur de Pelven, quand il est connu que nous avons aussi nos espions, à laisser traîner derrière vous des pièces aussi capitales que celle-ci. - En même temps, il mettait sous les yeux des deux officiers un papier froissé et taché de boue, sur lequel était écrite cette ligne : « Sauf-conduit au comte Hervé de Pelven, maréchal de camp dans l'armée catholique et royale. - Signé : Charette. »

Hervé regarda le petit lieutenant et murmura le nom de Bellah.

- Ce sauf-conduit, ajouta le général, a été trouvé par un de nos agents secrets sur la lande de Kergant, où vous avez passé une nuit. Il ne manque pas d'autres preuves, mais celle-ci me suffit. Maintenant, je dois vous demander, monsieur, si vous avez quelque chose à dire pour défendre votre vie, car je vous avertis qu'elle est en danger. Désarmez-vous, s'il vous plaît.

Hervé détacha les agrafes de son sabre et le remit à Francis, qui le prit d'une main tremblante.

- Général, dit alors le jeune commandant, devant Dieu et sur mon honneur, je ne suis pas coupable. Je succombe sous des apparences auxquelles je ne puis opposer que ma parole. Ce sauf-conduit est authentique, mais je ne l'ai jamais accepté. Je peux encore ajouter que ces hommes qu'on fait mes amis attentaient à ma vie il n'y a pas cinq jours.

- Vous ont-ils blessé? demanda Hoche avec empressement. Pouvez-vous me montrer la trace d'une blessure ?

- Aucune, malheureusement.

- Mais, général, s'écria Francis, j'y étais, je l'ai vu : ils ont assommé le commandant !

-Avec égards, à ce qu'il paraît, dit le général, qui avait repris son calme inquiétant. Assez, Francis. Vous n'êtes pas un enfant, vous, monsieur de Pelven, et vous savez assez quelle peut être la conclusion d'une pareille affaire. Désirez-vous que tout se termine ici entre nous deux, ou dois-je assembler un conseil ?

- Je ne souhaite aucun autre juge que vous, général.

- Certes, vous n'en pouviez avoir un plus prévenu en votre faveur. Vous m'avez étrangement trompé, Pelven, cruellement, puis-je dire. Après tout, il peut y avoir une espèce de grandeur dans ce rôle, mais elle n'est pas de celles que j'aurais ambitionnées. Assurément, monsieur, continua-t-il avec une inflexion de voix plus douce et presque attendrie, j'étais loin de m'imaginer que nos relations d'estime, d'amitié, aboutiraient à un moment semblable : ce n'est pas sans une douleur profonde... Le général, distrait par le bruit des sanglots que le pauvre Francis n'avait plus la force d'étouffer, se tut subitement. Il ouvrit la porte, et appelant un des soldats qui veillaient dans l'antichambre : - Le citoyen Pelven, lui dit-il, est votre prisonnier; vous m'en répondez. Lieutenant Francis, allez m'attendre là.

Le jeune lieutenant jeta sur son protecteur un regard suppliant ; un nouveau signe impérieux lui répondit, et l'enfant se réfugia dans la pièce voisine avec une hâte désespérée.

- Monsieur Pelven, reprit alors le général, on voulait vous conduire dans les prisons, et de là vous savez où. J'ai cru que, malgré tout, vous aimeriez mieux avoir la fin d'un soldat.

- Merci, général, dit Hervé.

- Vous avez un quart d'heure, monsieur. - Hoche se détourna brusquement en achevant cette phrase, et, fermant la porte derrière lui, il rejoignit Francis dans l'antichambre. Un vieux sous-officier se tenait près d'eux, la main respectueusement ouverte à la hauteur du bonnet de police ; le général l'appela : Tu vas prendre avec toi quinze grenadiers, lui dit-il; conduis-les dans le champ qui est à gauche de la ferme, fais charger les armes et attends l'homme que je t'enverrai. - Puis, entraînant par le bras son jeune aide de camp tout éperdu, il le fit entrer à sa suite dans une chambre qui s'ouvrait sur l'autre face de l'escalier.

On a pu remarquer avec surprise qu'entre le juge et l'accusé il n'y avait eu aucune explication suffisante pour faire connaître à celui-ci la nature et l'étendue du crime qu'on lui imputait : mais, d'une part, le général ne croyait rien avoir à lui apprendre sur ce point; de l'autre, Pelven avait vu dans ce qui lui arrivait la conséquence logique des manœuvres qui avaient eu pour but de l'attacher à la cause royaliste en le rendant suspect à son parti. C'était plus qu'il n'en fallait, au temps où vivait Pelven, pour motiver une condamnation capitale. Ainsi se vérifiaient d'ailleurs et la prédiction que lui avait faite mademoiselle de Kergant sur la lande aux Pierres, et toutes les vagues appréhensions que les souvenirs de sa malheureuse expédition avaient laissées dans son esprit.

Cependant Hervé, demeuré seul sous la garde de la sentinelle, cherchait à se rendre maître des révoltes instinctives, du chaos d'idées et de sentiments que soulève dans tout être humain la perspective prochaine et réfléchie de sa dissolution. Ses regards se portèrent malgré lui sur l'aiguille de la pendule : quelque chose comme le souffle de la vision biblique sembla glisser devant sa face et la couvrit d'un nuage blanchâtre. Passant à plusieurs reprises la main sur son front, le jeune homme fit quelques pas rapides dans le salon, après quoi il s'arrêta, et respira longuement avec une sorte de satisfaction, comme se sentant vainqueur dans la lutte suprême qu'il venait de soutenir. Il s'assit alors devant la table, et traça précipitamment quelques lignes destinées à sa sœur. Dix minutes s'écoulèrent, et il était encore plongé dans l'amertume de cette dernière effusion, quand un léger bruit lui fit retourner la tête du côté de la porte. Son regard rencontra celui de Hoche.

- Pardon, monsieur, si je vous trouble, dit le général tenant attentivement ses yeux fixés sur ceux du jeune homme; mais, dans l'état où sont les choses, il doit vous être indifférent de me dire, et moi, je désire connaître exactement le nom du Bourbon qui a débarqué sous un déguisement de femme, à la suite de vos parentes, et par vos bons soins.

A cette question détaillée, une telle expression d'inintelligence pétrifia l'œil ordinairement pénétrant de Hervé, un hébétement si sincère se peignis sur ses lèvres entrouvertes, que le général ne put réprimer un faible sourire

- J'en étais sûr, mon général! j'aurais parié vingt fois ma tête !... A bas les jacobins et les dénonciateurs ! s'écria Francis en s'élançant follement dans la chambre.

- Allez-vous-en, vous, dit Hoche avec une impatience à laquelle son petit aide de camp ne jugea pas nécessaire d'obéir. - A ce qu'il me paraît, monsieur Pelven, continua le général, vous ne me croyiez pas si bien instruit !

- Il est innocent comme le bon Dieu, général ! reprit Francis avec une exaltation croissante.

- Véritablement, général, balbutia Hervé, je ne suis pas du tout... Je ne comprends rien à ce que vous me dites.

Un nouveau sourire plus franc et plus distinct éclaira les beaux traits du jeune général en chef.

- Vive la république ! cria Francis, en sautant au cou de Hervé dans un accès d'affectueux enthousiasme.

- Vous voyez, commandant, dit Hoche, que M. Francis vous a rendu son estime. Vous voudrez bien m'excuser de ne pas me montrer aussi prompt. A mes yeux, vous êtes toujours coupable, au moins d'une excessive imprudence. La vérité est que nous avons, grâce à vous, un Bourbon sur les épaules. Je n'ai pas besoin de vous énumérer les malheurs qu'une telle complication porte en soi; mais comment puis-je concevoir que les incidents suspects de votre voyage n'aient pas éveillé plus sérieusement votre défiance?

Un seul point mis en lumière dans une trame dont nous avions été la dupe suffit souvent à nous en faire aussitôt saisir tous les fils. Ce fut ainsi que la mémoire de Hervé rassembla instantanément, de manière à en former un corps de délit complet, toutes les circonstances équivoques de sa campagne, la réserve extrême de l'Écossaise, les scènes du château de la Groac'h, le langage et l'insistance étrange de Bellah sur la lande aux Pierres, et enfin le caractère mystérieux de l'individu qui avait suivi mademoiselle de Kergant dans son excursion nocturne. Ce dernier souvenir pénétra plus profondément que tous les autres dans le cœur ulcéré du jeune homme.

- Mon général, dit-il, j'ai été joué et bafoué indignement. Ma sœur est une enfant qui a cru se prêter à une excellente plaisanterie Quant aux autres... Le commandant Pelven acheva sa pensée par un signe de tête lent et prolongé qui indiquait un amer ressentiment.

Le général s'était approché d'une fenêtre : il demeura quelques instants les yeux fixes dans le vide et les sourcils contractés, comme en proie à une pénible irrésolution; puis, se retournant soudain : - Je suppose, reprit-il, que je prenne sur moi de vous rendre votre liberté, quel usage en feriez-vous ? car je ne puis songer à vous employer, quant à présent du moins. Voyons, que feriez-vous ?

- J'irais droit aux chouans, droit au quartier du prince, puisque prince il y a.

- Êtes-vous fou?

- Je reprendrais mon nom et mon titre, continua le jeune homme avec chaleur; car j'ai besoin du privilège qu'ils me donnent pour dire au héros de cette comédie jouée à mes dépens : Monsieur ou monseigneur, peu m'importe, voici un gentilhomme comme vous qui vous demande compte du péril où vous avez mis, par un calcul déloyal, non sa vie, mais son honneur.

- Et ses amours ! ajouta le général en riant et en levant le bras par un mouvement charmant de jeunesse. Par ma foi ! Hervé, si c'est une folie, elle me plaît. Je ne suis pas né gentilhomme, bien loin de là, comme vous savez; mais j'ose dire que je le serais devenu dans le temps où il ne fallait pour cela que le goût des aventures et deux grains d'audace dans le cœur. Toutefois ce projet est absolument déraisonnable, et je ne puis rien dire à l'appui, si ce n'est que je ferais de même à votre place. Quoi qu'il en soit, s'il vous arrivait malheur, vous laissez ici des compagnons qui courront sus au malandrin pour vous délivrer ou vous venger. N'est-il pas vrai, Francis?

- Je pars avec lui, moi, dit Francis, pour voir les dames de la cour.

- Vous voudrez bien m'attendre, monsieur. - Pelven, reprenez votre épée; mais je vous conseille de quitter l'uniforme. Il faut aussi vous munir de ce malheureux sauf-conduit. Autrement il vous serait impossible de pénétrer chez ces messieurs, qui sont en force et sur le pied de guerre dans toute la contrée. - Et attendez, poursuivit le général, en écrivant deux lignes à la hâte sur un carré de papier, cachez cela dans la doublure de vos habits, afin d'être également en mesure vis-à-vis de la république.

- Mon général, votre bonté me rend confus.

- Je voudrais vous faire oublier ce mauvais quart d'heure, Pelven. Allez maintenant à la garde de Dieu. J'espère que vous me quittez sans rancune.

Hervé prit de ses deux mains la main que le général lui offrait, et la serra avec émotion. - Adieu, général, dit-il, je vais acheter le droit de vous revoir et de continuer à vous servir.

- Non pas moi, Pelven, jamais moi; mais la France. mais la république, la république forte, patiente et généreuse.

- C'est comme je l'entends, dit Hervé. Il s'inclina avec une courtoisie affectueuse, et sortit accompagné de Francis.

Quelques instants plus tard, Pelven et le petit lieutenant galopaient dans la direction de Rennes ; mais, au bout de deux lieues, Hervé dut prendre un chemin de traverse, afin d'éviter la ville, qui pouvait être dangereuse pour lui. Ce fut là que les deux jeunes amis se séparèrent, deux heures environ avant le coucher du soleil, l'un pour retourner près du général en chef, l'autre pour courir les nouveaux hasards où le poussaient, contre tous les conseils de la prudence, les sentiments fougueux de l'homme outragé et de l'amant jaloux.