SCÈNE V.

LA MARQUISE, seule, se levant.

Il y a un quart d'heure ? Il faut que Baptiste se soit mépris ; autrement ce serait trop désagréable !... pour le marquis. (Riant.) -Oh ! comme ce serait désagréable !... Mais voyons cette lettre... C'est la soirée aux lettres, à ce qu'il parait. (Elle s'assied, pour lire, pris de la toilette, ouvre la lettre et pousse un cri de joie). Ah ! d'Armand !... Il n'est pas mort, quel bonheur !... (Elle lit avec précipitation.) Revenu de ce matin... Il me fera sa visite demain... Demain, quelle sottise ! Pourquoi pas ce soir ? Pauvre garçon ! il a des délicatesses à lui... Il paraît qu'il est méconnaissable... Ce n'est pas étonnant, depuis quatre ans qu'il voyage à travers toutes sortes de pays affreux... depuis quatre ans, depuis mon mariage... Quel cœur que le sien et quel amour !... Eh bien ! pourtant il parait qu'il est guéri, puisqu'il revient. Oh ! certainement, nous pouvons maintenant nous revoir sans danger ; je suis presque une vieille femme, et lui tout à fait un vieillard, à ce qu'il dit... Moi je crois que son teint aura un peu bruni, tout bonnement. Je suis sûre qu'il a mille aventures effrayantes à me conter... Cela vient à point pour me faire cet hiver un coin du feu supportable... (Elle écoute.)Comment ! c'est impossible !... déjà la voiture ?... (Elle va près de la porte. On entend la voix du marquis qui gronde.) Ah ! quelle catastrophe ! Baptiste avait bien vu... la malheureuse aura fait quelque confusion... Mais si le marquis s'attend que je vais le plaindre, il s'abuse, par exemple... (Elle s'est rassise sur la causeuse et a repris son ouvrage en faisant tomber par mégarde le peloton de laine, qui va rouler jusqu'auprès de la toilette.)