GONTRAN, CAMILLE, LA COMTESSE, MADAME DE SAULIEU. La comtesse et madame de Saulieu arrivent par la droite, second plan.
LA COMTESSE.
Est-il vrai, ma chère Camille, que vous ayez, contrairement à mon avis, l'intention de garder dans votre maison la fille de Durel, malgré ce qui s'est passé ?
CAMILLE.
Oui, madame, cette enfant ne me parait coupable que d'une étourderie. La chasser, ce serait la perdre. Je crois que l'indulgence est ici d'une charité bien entendue.
LA COMTESSE.
Ah ! je suis heureuse de vous voir prise de ce beau zèle de charité, vans qui daignez si rarement honorer de votre présence mes assemblées charitables du vendredi.
CAMILLE.
Mon Dieu, madame, c'est que j'aime mieux faire la charité que d'en parler... Bref, je compte attacher cette enfant à mon service personnel... si Gontran le permet.
La comtesse s'assoit près de la table : Camille passe près de Gontran.
GONTRAN.
Tout ce que vous voudrez, ma chère amie. Seulement, je vous ferai observer que cette promotion ne sera pas d'un très bon exemple... et vous connaissez la moralité du pays... elle n'est pas déjà si florissante ! (A madame de Saulieu.) Vous ne sauriez vous imaginer, madame, à quel point nos paysans sont dépourvus de toute espèce de principes : c'est à ce point que, le dimanche, les trois quarts du temps notre église est, vide.
CAMILLE.
Mais, y allez-vous, vous, mon ami ?
GONTRAN.
Moi, ma chère amie... mais il me semble...
CAMILLE.
Oh ! je sais que vous ornez notre église de tableaux et de tapisseries superbes... mais vous n'y mettez jamais lès pieds... De plus, vous arrivez ici, chaque année, traînant à votre suite une bande de palefreniers, de jockeys et de mauvais drôles qui passent leur temps à débaucher les filles des environs... Et vous vous plaignez après cela de la moralité de vos paysans !
GONTRAN.
C'est cela ! parfait ! vous êtes socialiste ! elle est socialiste, votre fille, chère madame ! (à part) Toutes les femmes de trente ans sont socialistes, du reste.
DUREL, en dehors.
Par ici, madame, par ici !