SCÈNE VI

CAMILLE, MADAME DUMESNIL.

CAMILLE, poussant un siège à madame Dumesnil.

Mettez-vous là...

MADAME DUMESNIL.

Non, je ne m'assois pas... j'ai voulu seulement vous serrer la main ; car je n'y pouvais plus tenir... Savez-vous qu'il y a huit grands jours que je ne vous ai vue ?

CAMILLE.

Mais c'est votre faute... Au reste, vous êtes si lancée maintenant, si en l'air...

MADAME DUMESNIL.

Ah ! pas du tout, je vous assure... Je mène une vie très calme, au contraire... Je suis une femme d'intérieur, moi... mais mon mari aime le monde : il faut bien que je le suive...

CAMILLE.

Enfin vous vous résignez... Allez-vous directement chez madame d'Hermilly ? Vous y trouverez ma mère et ma fille.

MADAME DUMESNIL.

J'irai plus tard... Je vais d'abord passer une heure aux Italiens.

CAMILLE.

Aux Italiens ? qu'est-ce qu'on y donne ?

MADAME DUMESNIL.

Sémiramide.

CAMILLE.

Mais quelle ravissante toilette vous avez !... Et quel joli bouquet !... Mais vous avez dépouillé une serre !

MADAME DUMESNIL, après un mouvement de physionomie masqué.

Vous le trouvez joli, vraiment ? Eh bien ! je veux vous le laisser.

CAMILLE.

Oh ! chère enfant, mais non... je vous en prie !

MADAME DUMESNIL.

Si, si, je veux vous le laisser. (Posant le bouquet sur la cheminée.) Je le mets là... Vous penserez à moi !

CAMILLE, l'embrassant.

Oh ! vous êtes trop gentille, vraiment ! Allons, voilà que vous rougissez encore !

MADAME DUMESNIL.

Oui, je rougis encore, je rougis toujours... quelle mauvaise habitude !

CAMILLE, riant.

Mais c'est la couleur de la vertu, mon enfant !

MADAME DUMESNIL.

Et puis, je m'en vais... car mon mari est à côté du cocher... et il tombe de la neige, vous savez ?

CAMILLE.

Ah ! il est à côté du cocher, votre mari ?

MADAME DUMESNIL.

Oh certainement !... avec mes jupes, il ne pourrait tenir dans la voiture...

CAMILLE.

Au reste, il aime tant le monde !

MADAME DUMESNIL.

Oui... il aime tant le monde... Adieu, madame...

CAMILLE, la reconduisant.

Adieu... Merci encore !

Madame Dumesnil sort.