SCÈNE III

CAMILLE, seule.

C'est vrai !... je ne sais pas si je la reverrai !... Que se passe-t-il ? que va-t-il se passer ?... Ah ! mon Dieu ! pourquoi me suis-je réveillée ? Je ne puis pas soutenir toutes les horribles pensées qui s'amassent dans ma tête ! (Elle fait quelques pas.) Mon Dieu ! est-ce que c'est le jour qui vient déjà ?... (Elle soulève le rideau de la fenêtre.) Non... il fait nuit... nuit noire... Ce sont des lueurs qui passent devant mes yeux !... Mais quoi ! est-ce possible tout cela ? C'est moi... moi qui suis là... c'est moi à qui cela arrive... moi si heureuse ! si tranquille... il y a si peu de temps encore, et qui suis menacée tout à coup de perdre... tout... honneur... famille... enfant... tout !... moi, pour qui le sang va couler ! Ah ! il y a de quoi devenir folle, vraiment ! et je sens... je sens que je le deviens ! (Elle marche à travers la chambre, se tordant les mains.) Oh ! quel châtiment, mon Dieu ! quel châtiment !... (Elle se laisse tomber sur la causeuse, puis se relevant tout à coup.) Mais est-ce juste, voyons ? l'ai-je mérité ? qu'ai-je donc fait ?... Ah ! oui, sans doute, je suis coupable, bien coupable !... Mais c'est trop !... c'est trop souffrir ! (Elle tombe à genoux au milieu de la chambre, les mains jointes.) Mon Dieu ! Dieu de justice et de bonté ! vous qui seul savez ma vie, ma pensée, mon cœur... vous qui voyez ce que je souffre... vous, au moins, mon Dieu ! ayez pitié ! pardonnez ! pardonnez à la pauvre créature... qui est là !...

Elle pleure. Gontran parait à droite au fond. Camille essuie ses larmes et se dresse avec dignité.