HÉLÈNE, GONTRAN. Gontran fait quelques pas d'un air soucieux Hélène entre à gauche timidement.
GONTRAN, passant la main d'Hélène soue son bras.
Eh bien ! voyons, je t'écoute.
HÉLÈNE, troublée.
Mon père...
GONTRAN.
Tu n'oses pas ! Je vais t'aider. Tu aimes quelqu'un... C'est très bien. Tu veux te marier. J'y consens. Tu veux épouser M. de Seillanes. Soit ! Eh bien ! quoi ? est-ce que ce n'est pas cela ?
HÉLÈNE.
Je vous demande pardon, mon père... excepté pourtant...
GONTRAN.
Excepté ?
HÉLÈNE.
Excepté le nom, mon père.
GONTRAN.
Comment le nom ? Ce n'est pas Seillanes que tu veux épouser ?
HÉLÈNE.
Non, mon père.
GONTRAN.
Ah çà ! mais qui donc ?
HÉLÈNE.
L'autre.
GONTRAN.
Quel autre ?... Achille ?
HÉLÈNE.
S'il vous plaît, mon père.
GONTRAN.
Bah ! Tu ne te trompes pas ?
HÉLÈNE.
Non... est-ce que vous ne consentez plus ?
GONTRAN.
Mais au contraire, ma chère enfant... je suis ravi... Je te félicite de tout mon cœur- je n'osais pas espérer... Ah çà ! mais, dis-moi... quelles raisons as-tu de vouloir épouser Achille ?
HÉLÈNE.
Oh ! mille raisons, mon père ! D'abord, c'est un homme excellent, une âme sans égale, un esprit original et charmant... ensuite, je l'aime... et puis, entre nous, mon père, je crois que cela lui ferait plaisir !
GONTRAN.
Je le crois aussi, ma chérie... Mais voyons... ce choix témoigne d'une singulière révolution dans les idées... Qu'est-ce qui s'est donc passé depuis six mois dans ta petite cervelle, hé ?
HÉLÈNE.
Mon Dieu ! je ne sais pas moi-même. Je ne me reconnais plus. Je crois que c'est ma mère qui est coupable de la métamorphose.
GONTRAN, attentif.
Ta mère ?
HÉLÈNE.
Oui, elle s'est tant occupée de moi depuis... Tenez ! depuis ce malheur qui vous a retenu si longtemps sur votre lit de souffrance... Il semblait que son affection pour moi comme pour vous en eût redoublé... Elle ne m'a plus quittée... elle m'a dit des choses... Enfin, peu à peu, je sentais que je devenais tout autre, que mes goûts, mes sentiments, mes idées sur le monde, sur la vie, se transformaient... que je comprenais à travers son âme si noble, si élevée, ce qui est vraiment bien, vraiment beau, vraiment aimable... et enfin un beau jour j'en suis venue sans m'en apercevoir... à aimer.
GONTRAN.
Ton cousin Achille... Tu as bien fait... et tu me permets de le lui dire ?
HÉLÈNE.
Mais, mon père... réfléchissez... est-ce prudent ? On ne sait jamais... s'il allait me refuser !
GONTRAN.
Ah ! décidément tu l'aimes... tu as peur ! Non, je ne crois pas qu'il te refuse... je n'appréhende de résistance que du côté de tes deux grand'mères, qui professent pour Achille une antipathie décidée... elles l'utilisent volontiers... mais elles ne l'aiment guère... il dit trop ce qu'il pense...
HÉLÈNE.
Oh ! mes grand'mères... je m'en charge ! j'ai un moyen !
GONTRAN.
Comment ?
HÉLÈNE.
Je dirai à ma grand'mère de Vardes que ma grand'mère de Saulieu ne veut pas de mariage, et réciproquement... et ainsi... (Achille parait au fond.) Chut ! chut ! mon père !